Project Description

Qui gardera la porte quand je dors?

Hopewell Rocks, Baie de Fundy, Nouveau-Brunswick

2006, Dan Steeves

impression en creux sur papier

Collection d’artiste

L’Œuvre

Le Style 

L’œuvre de Dan Steeves – Qui gardera la porte durant mon sommeil? – est une gravure intaglio, communément appelée simplement gravure. Ce style de gravure, dont les premiers exemples datent d’à peu près cinq siècles, est originaire de l’Europe.

Steeves dessine d’abord l’image sur une plaque de zinc, peint cette plaque de graisse et puis immerge la plaque dans de l’acide nitrique. L’acide mord dans le zinc entre les surfaces recouvertes de graisse, la gravant de fins sillions ou crevasses.

Après un sablage et un polissage pour créer des gradations tonales, Steeves applique de l’encre dans les crevasses et nettoie la surface. Il recouvre la plaque de papier de chiffons humide qu’il met sous une presse à imprimer. La pression force le papier dans les crevasses, forçant ainsi l’encre à être absorbée par le papier.

Il reprend le procédé du dessin, de la gravure, du polissage et de l’impression plusieurs fois jusqu’à ce que l’image soit prête à être imprimée en édition finale.  

Une gravure intaglio en blanc et noir dépend de l’usage délicat de la lumière et de l’ombre. La méthode est idéale pour révéler les couches stratigraphiques, les fractures et autres subtilités du paysage géologique. Sans la distraction de la couleur, on peut se concentrer sur l’histoire racontée par les lignes et les ombres. 

L’Interprétation 

Peu de paysages au Nouveau-Brunswick sont aussi bien connus ou ont été aussi souvent photographiés que les Rochers de Hopewell. Dans Qui gardera la porte …, Steeves a transformé cette perspective iconique, la déplaçant du cliché touristique habituel vers le domaine de la métaphore non-sentimentale.

Le titre de l’œuvre reflète le fait que les Rochers de Hopewell sont lentement érodées par l’océan. Les falaises et les éperons d’érosion marine ‘dorment’ à travers les âges tandis que l’érosion ronge leurs fondations.

Caillou par caillou, affleurement par affleurement, les roches se désagrègent et tombent dans la baie de Fundy. De la même manière, l’héritage culturel du Nouveau-Brunswick affronte des défis de taille.

A mesure qu’envahit la mondialisation, l’infrastructure sociale et économique de la province change de forme de manières telles que l’avenir demeure incertain.  

Dans un sens, les évènements humains comptent pour rien à l’échelle géologique, qui mesure le temps en millions d’années. Pourtant nous sommes ici maintenant, dans notre ère. Et ici, plusieurs vies et communautés – comme la maison dans l’œuvre de Steeves – sont perchées entre l’enclume (le passé) et le marteau (le futur). En effet, qui gardera la porte? Mais Steeves se demande aussi si on n’est pas un peu trop craintif devant le changement. « Comment cela se fait-il, » écrit-il, « que nous construisons la maison [nos vies] … comme un château fort de sécurité. Une forteresse peut, à la fin, ne devenir qu’un paradoxe d’isolement. … Des objets qui existent dans le paysage dans le temps et dans l’espace sont jetés en désarroi, une situation troublante où une certaine vérité pourrait se trouver. » 

Donc, où est la vérité? Des adaptations culturelles nous encourageront-elles à ré-imaginer ce qui nous définit comme peuple? Si oui, comment accueillons-nous le changement avec grâce tout en continuant à protéger nos foyers et en reconnaissant notre âme? Entretemps, les Rochers de Hopewell s’érodent graduellement. Et pour chaque pente croulante, une nouvelle surface rocheuse émerge pour faire face au soleil levant de la baie de Fundy. Comme toujours, l’espoir et le changement se promènent nonchalamment main dans la main.